Appropriations
Marieke Wiegel
2009
Cet automne, pendant les différentes manifestations, l’Institut Néerlandais présente l’artiste contemporaine Laurence Aëgerter. S’inspirant du Catalogue des chefs-d’oeuvre du musée du Louvre (1976), son travail consiste à photographier des visiteurs devant les oeuvres clés du Louvre et du Rijksmuseum. Elle attribue temporairement une nouvelle identité à ces tableaux des maîtres français et hollandais et jette un pont entre l’image iconique et l’anonymat du visiteur.
Aëgerter, née en 1972 à Marseille, a fait ses études aux Pays-Bas à l’Académie Rietveld. Elle travaille avec différents médias comme photographie, vidéo et installations. Fascinée par des systèmes qui semblent ordonner la réalité à la fois dans le domaine privé et public,Laurence Aëgerter s’obstine à s’approprier ces systèmes en les soumettant à une transformation structurelle.
En parlant de « son point de départ artistique » elle dit : « Je personnifie et m’approprie des systèmes existants. Dans mon processus de travail, j’examine ces systèmes, j’interviens dans leur fonction et dans leur structure et leur fournis un nouveau contexte. Les systèmes de domaines privés comme publics me servent de sources pour ce travail. […] Ma fascination pour les systèmes tire avant tout son origine d’une nécessité profonde d’interférer dans l’ordre du monde qui m’entoure. L’une des oeuvres que j’ai produites, 180 degrees encyclopaedia, est un fac-similé exact d’une encyclopédie Larousse de 1970. Dans cette réplique, j’ai remplacé deux cents images de paysages et de monuments par des photographies prises exactement au même endroit, mais dans une direction opposée.
Contrairement à l’encyclopédiste qui perçoit le monde au travers d’une méthode apparemment objective, j’ai visiblement utilisé une méthode subjective. De cette façon je remets en question le caractère objectif de l’encyclopédie.De par cette appropriation,une interprétation renouvelée du système existant fait son irruption, ce qui soulève des questions relatives à la valeur normative de la structure d’origine. Au cours de mon processus de travail je m’impose une série de règles strictes. En dehors de ces limitations imposées, je fais régulièrement usage des coïncidences que je découvre au sein de systèmes existants et utilise la chance organisée comme un instrument. Je fais intervenir des spécialistes d’autres disciplines pour une collaboration et invite des sous-communautés à la partie exécutoire de mon travail. […] Ma façon de travailler est dialectique par nature:déconstruisant et arrangeant à la fois, transformant un domaine public en domaine privé et vice versa. La citation suivante de Georges Perec décrit au mieux le motif sous-jacent de ma vocation artistique : «Il m’apparaît clairement que la seule façon de revendiquer la liberté dans un domaine circonscrit est de concevoir une construction au sein ou au-dessus de la structure existante. Cela ne la détruit pas mais modifie son identité. Cela offre de nouvelles possibilités pour interpréter le système existant, une valeur ajoutée».
A l’Institut Néerlandais Laurence Aëgerter présente une sélection de la série «Het Apparaat » réalisée au Rijksmuseum et la série «Le Louvre», ainsi que ces livres d’artistes comme 180 degrees encyclopaedia.
Avec le soutien généreux de la Fondation pour les Arts plastiques, le Design et l’Architecture (Fonds BKVB/www.fondsbkvb.nl)